Al wasl

16/05/2009

Entretien avec Elkbir Atouf, Docteur en Histoire sociale contemporaine.

Filed under: Article — alwasl @ 16 h 31 mi

Entretien avec Elkbir Atouf, Docteur en Histoire sociale contemporaine.

atouf livre

Entretien réalisée par Youssef Lahlali

Il manque de la matière et des travaux sur l’histoire de l’immigration marocaine depuis un siècle .La publication du livre de Elkbir Atouf Aux origines historiques de l’immigration marocaine en France 1910-1963 aux éditions Connaissances et Savoirs 2009 était à l’origine une thèse en histoire sociale contemporaine , spécialité de l’immigration.

Dans cet entretien pour Libération, il évoque l’histoire de l’immigration marocaine depuis 1910. Pourquoi l’émigration du Souss est-elle la plus importante immigration marocain en France ? Comment l’armée de Franco recrute-t-elle des soldats dans la zone du protectorat français ? Comment cette migration a bouleversé les rapports sociaux et économiques du Maroc ?

1-L’immigration marocaine vers la France a été liée au fait colonial comme vous l’analysez dans votre livre « Aux origines historiques de l’immigration marocaine en France 1910-1963 ». Mais pourquoi la date de 1910 au lieu de 1912, date de la signature du protectorat français  sur le Maroc ?

– En fait, 1910 représente la première trace des premiers Marocains immigrants travaillant en tant que manœuvres dans une entreprise nantaise et qui ne dépassaient pas une centaine de personnes, selon la documentions consultée et disponible dans l’état actuel des choses.

Nous sommes loin des vagues migratoires qui vont se constituer durant la Première guerre mondiale dans le cadre de l’effort de guerre imposé par la France colonisatrice : Lyautey reconnaît officiellement la participation de 45 000 Marocains en tant que soldats, sans oublier ceux qui ont été appelés « les travailleurs coloniaux », officiellement on reconnaît 35 500 Marocains travaillant dans les usines d’armement entre 1916-1918, l’agriculture, les activités industrielles et minières, etc., et qui ont été recruté par le dit STC (Service des travailleurs coloniaux : conçu en 1916 et dissout en 1918). Ce sont au moins 85 500 Marocains qui ont été encadré, géré, contrôlé et surveillé par le Ministère de la Guerre durant la guerre de 1914-1918 : Désormais c’est une nouvelle page de l’histoire sociale contemporaine qui va s’écrire et s’illustrer à travers l’initiation et le déclenchement des premières immigrations marocaines militarisées, donnant naissance à ce qu’on  peut appelé irrévocablement « le mode de déracinement militarisé ».

2-Pourquoi les autorités coloniales françaises n’ont pas été transparent sur le chiffre des soldats marocains engagés dans l’effort de la guerre ? Est-ce par crainte de l’opinion publique marocaine  -si on peut l’appeler ainsi à l’époque- ou y-a-t-il d’autres raisons à ce secret?

Effectivement, ce qui caractérise les documents d’archives et les sources historiques concernés par les chiffres des soldats marocains engagés par la France colonisatrice dans le cadre de l’effort de la guerre est surtout la contradiction des chiffres à tel point qu’on peut parler de la « guerre des chiffres ». Ce paradoxe concernant les statistiques est dicté par trois raisons au moins :

– la première raison réside dans le fait que les responsables militaires tentent toujours de garder secret les chiffres exact des effectifs totaux composant l’armée française en général, pour des raisons de sécurité.

– la deuxième raison, est que les autorités coloniales au Maroc minimisaient les chiffres des soldats marocains pour que cette question ne soit pas utilisée ou exploitée par « l’opinion publique » nationale (en France notamment ou au Maroc) et internationale ainsi que pour ne pas choquer cette opinion.

– la troisième raison renvoie aux circonstances de la Guerre elle même, imposant durant certaine période, des années 1914-1918, l’annulation de certains bataillons partant du Maroc vers l’Europe ou le retour anticipé des troupes marocains de l’Europe vers le Maroc. Et parfois, on se retrouve dans une situation confuse annulant carrément ou comptant un seul bataillon deux fois, même s’il faut reconnaitre que ce dernier cas est rare.

Cette question des chiffres et des effectifs des soldats marocains durant la Première Guerre mondiale va se perpétuer durant la Seconde guerre (1939-1945): c’est ainsi  que les nationaliste marocains vont l’exploiter et l’instrumentaliser, eux qui ont tendances à gonfler les chiffres : Hassan El Ouazzani dans ses MEMOIRES mentionne le chiffre de 90 000 alors que les divers documents consultés signalent un effectif situé entre 70 et 80 000 Marocains.

Cette guerre des chiffres ne concerne pas uniquement les soldats engagés mais elle concerne également ceux qui sont morts pour la France ainsi que les victimes blessés graves, et. La France tentait systématiquement de  garder confidentielle toutes informations les concernant jusqu’à la fin de la Guerre. Autrement dit, les familles concernées ne savaient rien sur la réalité des choses avant la fin de la Première Guerre, d’autant plus que ces chiffres concernant les victimes de guerres (morts, blessés, disparus) sont largement sou estimés pour des raisons idéologiques et politiques.

3- L’autre élément important que vous révélez dans votre livre , c’est la participation massive des Marocains de la zone du protectorat français dans la guerre civile espagnole . Comment cette réalité est-elle restée cacher jusqu’aujourd’hui au Maroc et en Espagne en même temps malgré l’importance du chiffre ?( ….la majorité du 87000soldats marocains qui ont fait la guerre civile espagnole sont de la zone française.)page 51

Je crois que le deuil psychologique et historique sur cette page d’histoire renvoyant à la participation active et massive des Marocains dans la guerre civile contre les Républicains en Espagne n’a jamais été fait ni au Maroc ni en Espagne. Et pour que le deuil soit fait, il faut impérativement écrire d’abord cette histoire correctement ,   ensuite lire la page de cette histoire entièrement  et  la tourner enfin pour que la mémoire collective intergénérationnelle n’oublie par et l’assimile dans des bonnes conditions et sans déformation aucune.

Pour répondre à l’autre partie de votre question demeurant très importante : je préfère parler d’une histoire méconnue et non pas cachée comme vous le soulignez. C’est ainsi que le recrutement des Marocains dans la guerre espagnole était plus séduisant par rapport à l’armée française, à tel point que Franco promettait par exemple aux Marocains enrôlés par ses collaborateurs de leur payer le pèlerinage et que la « guerre contre les républicains est une guerre sainte/jihad », etc. C’est ce qui explique que le recrutement a eu un succès énorme concernant toutes les origines géographiques y compris et surtout la partie sous protectorat français.

Il faut dire enfin que les documents sur cette question sont plus accessibles maintenant par rapport à la période d’avant les années 1990. Malheureusement, il faut aller les chercher en Espagne et en France pour ne citer que ces deux pays anciens « protecteurs » du Maroc.

4- Vous avez dit que la première guerre mondiale dans un contexte colonial est le véritable déclencheur du mouvement migratoire marocain. Est -ce que sans la colonisation le Maroc n’aurait pas connu de migration ?

Non la problématique est mal posée dans le sens ou on ne fait pas l’Histoire avec si, les déplacements de population ont toujours existé. Par contre je remarque une simple chose : avant la colonisation du Maroc les migrations marocaines, sous toutes les formes normatives, étaient très limitées et ce n’est que dans le cadre de la colonisation  qu’on peut parler de l’émigration/l’immigration marocaine au sens sociologique et historique du terme. C’est à dire on assiste désormais aux  grandes  vagues migratoires qui vont institutionnaliser le premier courant migratoire entre la France et le Maroc durant la Guerre de 14-18 d’abord, puis pendant la période de l’entre-deux guerres ensuite. Cette situation conditionnée par la colonisation est à l’origine des migrations massives que l’histoire du Maroc contemporain n’a jamais connu auparavant depuis les années 1960-1970.

Il  faut  lire et analyser la colonisation comme un système structurel et global touchant toutes les structures marocaines, déstructurant ainsi les rapports sociaux, spoliant les terres les plus fertiles, exerçant une violence symbolique et réelle (militaire, monétaire, idéologique, politique, administrative, etc.) sur les populations marocaines qui n’avaient pas d’autres choix que de se faire enrôler dans l’armée française ou espagnole ou d’aller travailler chez les collons européens, soit à Casablanca, soit en Algérie colonisée, soit en France. Autrement dit, les Marocains ont désormais plus de choix migratoire à travers la colonisation qu’auparavant, et le premier choix aliéné renvoie aux rapports complexes de monétarisation et de salarisation : la découverte de la monnaie et le salaire sous le protectorat représente une violence inégalable en terme d’aliénation et de destruction de rapports sociaux exigeant indéniablement l’inscription du projet migratoire dans une société de consommation très urbanisée.

Généralement, toutes ces  migrations ont pris le sens du Sud vers le Nord du Maroc (en attendant leur prolongement à l’étranger), notamment Casablanca qui est bidonvillisée à travers l’émigration coloniale depuis les années 1930. Ici, l’apparition et la visibilité des carrières sont un pur produit colonial absorbant le surplus migratoire causé par les spoliations coloniales et la dite « pacification » (1934-1936) du grand Sud marocain.

5-pourquoi les autorités coloniales ont-elles recruté dans le sud du Maroc plus que dans les autres régions ?

Premièrement il faut dire que les populations du Sud marocain sont les plus initiées par rapport aux grands déplacements et migrations, ces populations pratiquaient le commerce avec l’Afrique saharienne et l’Afrique du Nord depuis des siècles déjà avant la colonisation. Des émigrés originaires du Sous travaillaient dans les mines, les ports, l’agriculture et les chantiers de la colonisation française depuis l’occupation de l’Algérie en 1830 et  de la Tunisie  en 1880-1881.

Par ailleurs, c’est incontestable que les grandes vagues migratoires marocaines sont orientées depuis le Sud marocain pour des raisons idéologiques, politiques et militaires évidentes. C’est ainsi que le premier Résident Général Lyautey (1912-1925), en tant que fin tacticien et technicien, diplomate et théoricien de la colonisation instaura et exigea, par Dahir chérifien dés le 23 mars 1918, que le recrutement des candidats à l’immigration en France soit exclusivement du Sud marocain. C’est le moyen parfait pour «  pacifier les indigènes en leur prodiguant du travail rémunéré qui les arrache la dissidence« , reconnait explicitement Lyautey qui instrumentalisait et utilisait l’immigration pour disloquer les rapports sociaux et briser la résistance la plus acharnée dans le Sud du Maroc qui n’est pacifié qu’entre 1934 et 1936.

En définitive, la spécialisation et l’orientation de l’immigration marocaine depuis le Sud ne peut que conditionner l’histoire de cette immigration soussie qui reste le fief et le réservoir par excellence de l’immigration marocaine en France durant toutes les années 1920-1970. Et ce n’est qu’après les années 1965-1974 que la région de Casablanca et la région rifaine entrent en concurrence avec le Sud du Maroc, notamment Sous. D’ailleurs si les migrations originaires du Sud marocains n’ont presque que la France comme destination migratoire, les gens du Rif et Casablanca sont les plus dispersés en Europe et le reste du monde. Cette situation trouve (prouvée par des statistiques fiables) son explication dans les rapports historiques dont j’ai soulevé les grandes lignes et que j’ai expliqué longuement dans mon livre publié ainsi que dans ma thèse inédite plus détaillée encore que le livre concerné.

6-quelles conséquences avez-vous remarquées sur le Maroc et sa population après sa participation à la première et la deuxième guerre en tant que soldats et travailleurs coloniaux

Les conséquences de la participation de nos Marocains à Deux Guerres dites « mondiales » sont énormes et considérables à plus d’un titre. Il faut mentionner, d’emblée, l’institutionnalisation d’un premier courant migratoire entre le Maroc et la France voire l’Europe qui est à l’origine du développement de toutes les migrations marocaines postérieures qu’on connait actuellement. Par conséquent on assiste depuis, à l’intégration définitive de l’immigration marocaine dans le Capital international d’où le fait qu’on peut parler d’une immigration internationalisée et mondialisée, pour atteindre dans l’état actuel des choses vers les 3 millions et 500 Marocains vivant à l’étranger et à travers le monde, soit 10 % environ de la population locale du Maroc. Nous sommes ainsi face à une spécificité typiquement marocaine, car excepté la Turquie, l’immigration marocaine est la plus dispersée dans le monde (contemporain).

Par ailleurs, fait majeur et fondamental, pour la première fois des milliers de Marocains ont eu l’occasion de découvrir l’univers d’une guerre moderne, d’une société de consommation attractive, des idées nouvelles qui vont bousculer la conscience collective. C’est ainsi que le séjour des soldats et travailleurs marocains, dits « coloniaux » en France (en Europe) était bénéfique sur tous les plans, notamment pour l’émergence d’une conscience sociale et politique qu’aucune Ecole ne peut « enseigner ».

Autres conséquence enfin, faut-il observer qu’à travers ces deux guerres et notamment la défaite française de mai 1940, les Marocains ont compris que la France n’est pas infaillible et que l’indépendance du Maroc ne peut être fait qu’avec les armes en main. D’ailleurs, le moment clef de cette nouvelle orientation nationaliste trouve une légitimité dans le Manifeste de l’Independence réclamé le 11 janvier 1944. Et il ne faut pas oublier également que plusieurs « marocains de l’armée française » ont participé à la résistance armée contre le colonisateur du Nord au Sud marocain durant les années 1953-1955 et même après l’indépendance u Maroc (jusqu’au fin des années 1950 pour le Sud et le Sahara « occidentale » (espagnole) marocaine).

7-On peut dire que la résistance est une conséquence de l’immigration comme il est indiqué dans votre réponse . On a encouragé des gens à immigration pour calmer certaines régions du Maroc mais c’est l’effet contraire qui se produit?

Je ne comprends pas bien bien votre question, d’ailleurs je n’ai pas formulé les choses comme c’est indiqué dans votre question 7. Je ne veux pas me REPETER mais j’insiste sur le fait Lyautey a orienté et facilité l’immigration exclusivement depuis le sud du Maroc tout en interdisant les migrations du reste du Maroc, et ce en 1918. Cette orientation/instrumentalisation s’explique par la résistance acharné u sud marocain qui n’était pas encore « pacifié » encore et encore l’immigration ici est un moyen de disloquer les rapports sociaux pour faciliter la domination colonial : Jeanny RAY n’hésite pas à écrire que « chaque « Soussi migrant en France représente une fusil en mois dans le sud ».

8-vous avez parlé du mythe du retour à la page 109.Est ce que cette immigration temporaire à son début commençait déjà à penser au retour définitif ?

Au début , le projet migratoire s’inscrit toujours dans le provisoire et par conséquent le retour est toujours présent dans l’imaginaire des migrants, mais avec le DERACINEMENT et le prolongement du séjour dans l’immigration le RETOUR ne peut que devenir MYTHE dans le sens où la « force de l’habitude » ou les  « effets de l’immigration » jouent un rôle capital pour maintenir l’immigré dans l’immigration et faire durer le provisoire dans l’exil.

Cette question est finement et merveilleusement analysée par le sociologue Abd El Malek SAYAD dans son testament « Les trois âges de l’immigration algérienne », publié en 1977, et qui demeure valable pour toutes les migrations car en définitive le mythe du retour est une constante de l’histoire de l’immigration, conjuguée au pluriel.

9-Vous avez aussi soulevé l’existence de la tradition de l’immigration dans le sud du Maroc depuis le 19 siècle ,mais dans la culture traditionnelle marocaine, quitter la terre des parents c’est « Hchouma »  la honte .comment on peut expliquer ce phénomène malgré cette tradition ?

Certes, la tradition migratoire des populations originaires du Sud marocain (notamment les Soussis) n’est plus à démontrer mais je crois que les aspects socio-économiques, voir politiques pour certains, sont plus forts que la « Honte » ou l’« Hchouma » pour utiliser votre propre expression.

Je pense que la vraie « honte » pour l’émigré/l’immigré c’est de ne pas faire ou construire un statut social qu’il n’a jamais eu ou qu’il a perdu pour diverses raisons. C’est ainsi que la honte n’a pas droit de cité par rapport au projet migratoire initial capable de faire sortir des milliers de gens de leur misère, de leur pauvreté, de leur isolement aussi, puisque l’immigration est le symbole par excellence de rencontres, de cosmopolismes , de découvertes, d’aventures humaines, de rêves, etc.

L’émigré/’immigré ne quitte pas que la « terre des parents » mais il quitte également des amis, des  espaces culturelles, des lieux symboliques, etc., pour s’implanter dans un autre univers qui n’est pas le sien : une autres société pleine de mystère et qui n’a pas les mêmes références et codes culturels.

Mais l’enjeu pour notre émigré/immigré « exilé » est énorme pour changer une situation sociale compromise et dépassée pour vaincre ainsi la complexité de la « honte » psychologique et sociale.

Cette « Honte »  doit IMPERATIVEMENT passer en second lieu afin de tracer le chemin pour la réussite migratoire voulue ou souhaitée vivement à travers les cadeaux et l’argent de l’immigration envoyés ou rapportés à la « terre des parents » devenant, pour plus d’un cas, dépendante des revenus de l’immigration.

10 – L’émigration clandestinité est un phénomène ancien au Maroc comme vous le souligné dans votre thèse ( les année 20). L’affaire Sidi Farruch est déjà très médiatisée à l’époque avec la mort de plusieurs clandestins marocains dans bateau (P154) ?malheureusement le phénomène continue jusqu’à aujourd’hui. Est ce une fatalité ?

Ce n’est pas « une fatalité » mais je préfère parler plutôt d’une constante de l’histoire de l’immigration internationale et le Maroc n’échappe pas à cette règle marquant l’histoire sociale globalement. Faut-il se rendre compte que l’histoire de l’humanité n’est autre que l’histoire des immigrations, quelles soient légales ou/et « clandestines » (l’exemple des Etats Unis, Canada, l’Australie, etc.)

D’ailleurs, le concept ou le terme « clandestin » n’est pas neutre car l’immigration dite « clandestine » relève de l’idéologie politique trompeuse. Je m’explique : méthodologiquement et épistémologiquement on se pose la question suivante : par rapport à quoi on parle de la clandestinité ? Et qu’est ce qui est clandestin ? L’immigré lui même, l’immigration ou les responsables de la politique migratoire (pays d’origine/pays d’accueil), les employeurs , etc ?

Dans la réalité des choses et si on prend l’immigration marocaine en France sur laquelle je travaille depuis une vingtaine d’années maintenant, qu’est ce qu’on remarque ? Il faut dire, d’emblée, que si les départs marocains ont été souvent et effectivement clandestins depuis le Maroc (au moins 50 % jusqu’aux années 1960), le séjour de ces Marocains en France ainsi que le travail ne l’étaient pas dans le sens ou l’Etat français « régularise » les situations à titre individuel ou collectif.

Après un bref séjour les Marocains en question se retrouvent avec tous les papiers nécessaires, alors que sans la complaisance des employeurs en France les régularisations sont impossibles. Ce sont ces employeurs qui ne passent par l’ONI (Office nationale d’immigration (1945-1988) puis OMI : Office des migrations internationales depuis 1988)pour ne pas payer la redevance à l’Etat qui sont clandestins et fabriquent la fameuse clandestinité.

J’aimerai dire aussi l’hypocrisie de l’Etat français qui n’arrête pas de criminaliser les migrants au détriment des employeurs et qui ne joue pas la transparence puisque l’histoire de France est pleine des régularisations qui se veulent toujours exceptionnelles, or elles sont structurelles. Nous avons ainsi une régularisation des dits « clandestins » chaque période de dix ans en moyenne. On régularise dés que l’immigration dite clandestine devient visible pour l’opinion publique, d’ailleurs certains politiques pensent à tort que les régularisations « évitent » que les dits « clandestins volent pour manger ». Mais ces politiciens ne nous disent pas que certains secteurs d’activités (maçonnerie, restauration, textile, etc.) ne peuvent tenir le coup et être fiable, sur un marché de travail de plus en plus concurrent et mondialisé, sans ces migrants en question et qui participent activement à la redynamisation de l’économie (parallèle).

11-Pourquoi cette migration a-t-elle continué après l’indépendance du pays et même son rythme s’est accéléré ?

Plusieurs raisons ont fait que l’immigration marocaine ne pouvait que s’accélérer : je cite d’abord la dislocation des rapports sociaux liée à la violence coloniale ainsi qu’au développement de l’urbanisation, ce qui n’est pas sans lien avec la monétarisation et la salarisation qui commencent à se généraliser petit à petit. Dans ces conditions, on assiste a des nouveaux rapports sociaux, des comportements qui ne trouvent une légitimation existentielle qu’à travers une société de consommation illustrée par l’émigration vers les grandes villes marocaines d’abord (Casablanca notamment) puis à l’étranger et particulièrement la France dont les rapports historiques avec le Maroc ne sont pas neutres,  d’ailleurs presque la moitié de l’immigration marocaine en Europe s’est concentrée dans ce pays, ancien colonisateur.

Enfin, la première convention franco-marocaine de main-d’œuvre, signée le 1er janvier 1963, demeure un facteur important expliquant l’accélération de l’immigration marocaine. Cette convention a eu le mérite d’intégrer les Marocains définitivement dans le Capital international, d’où le fait que l’immigration marocaine (avec la Turquie) est l’immigration la plus dispersée dans le monde contrairement à l’immigration algérienne par exemple qui, elle, n’a presque que la France comme destination migratoire (environ 90 % du total).

Enfin, il ne faut pas oublier la politique économique et sociale désastreuse du Maroc indépendant des années 1950-1960, illustrée par les événements du Rif des années 1958-1959, les événements des années 1963-1965 : les émeutes et la tuerie de Casablanca, les 23-25 mars 1963, l’enlèvement et l’assassinat de Mahdi Ben Barka le 29 octobre 1965 à Paris, etc. Dans ces conditions où la fameuse « marocanisation »,

vide de sens, est réservée en premier lieu au Makhzen et son élite endoctrinée (merveilleusement analysée par John Waterbury, Le Commandeur des croyants Monarchie marocaine et son élite), l’immigration reste la seule solution pour des milliers de Marocains du petit peuple.

12- Comment expliquez vous l’inexistence des travailleurs marocains dans les combats politiques et sociaux comme les étudiants marocains qui laissent leur empreintes au quartier latin qui ont formé « l’élitisme protestataire » comme vous l’avez appeler dans votre livre.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet état de fait qui concerne l’inexistence des travailleurs marocains dans les combats politiques et sociaux (dans l’état actuel de la documentation) : premièrement ces travailleurs sont illettrés globalement et puis ils vivaient souvent en groupe entre eux et par conséquent ils étaient isolés par rapport aux autres (migrants) Européens ou Français. Mais à mon avis, le facteur capital est certainement le contrôle et la surveillance accrues et sévères dont ils étaient l’objet.  Il faut savoir que l’immigration marocaine est parmi les immigrations les plus contrôlés dans le monde. Cette situation à été inaugurée durant la colonisation (c’est ce que j’ai tenté d’analysé dans mon/ce livre qui vient de sortir) et perpétuée pendant la période postcoloniale : c’est ce que j’ai essayé de démontrer dans un livre que je viens de terminer et qui sortira bientôt, concernant les mineurs marocains du Nord-Pas-de-Calais (1917-1987). Je ne dirai pas plus pour ne pas gêner mon éditeur.

13-Est ce que les revenus de l’immigration est le pétrole du Maroc inépuisable puisque que ca commencé depuis la première guerre est continuer aujourd’hui.

effectivement on peut « considérer  les revenus de l’immigration comme le pétrole du Maroc inépuisable puisque que ça a commencé depuis la Première guerre jusqu’à aujourd’hui « . L’argent de l’immigration et les transferts sont passés par exemple entre l’année 1980 et  2003 de 4147,6 Millions de Dhs à 34581,8 Millions en 2003 : le montant des transfert est multiplier par 8,33 ce qui est gigantesque à tel point que ces transfert dépassent et de loin les revenus des Phosphates depuis le milieu des années 1980, sans oublier pour autant que sans les revenus de l’immigration le budget de l’Etat marocain est devenu ainsi inconcevable.

Mais la crise économique actuelle laisse à réfléchir et on assiste à une diminution de ces transfert variant entre 14 et 20 % par rapport à l’année dernière, d’autant que ces jeunes générations issues de l’immigration marocaine n’ont pas le souci de leur parents pour investir et transférer une partie de leur argent au Maroc d’où le fait que l’argent de l’immigration marocaine ne pourra que diminuer dans les années à venir.

Un autre aspect à ne pas négliger c’est que l’agent de l’immigration est mal utiliser ou peu utiliser dans le développement car les banques détectrices de l’argent sont les premières bénéficiaires et ne laissent aux populations concernées que les miettes. Parler du développent ici est trompeur ??

14- vous avez déclaré à la fin de votre livre que l’histoire de l’immigration reste absente des disciplines universitaires. Comment expliquez vous cela ?

Je crois que la France est « un pays d’immigration qui s’ignore » étant donné que la politique d’immigration a toujours était (et elle est toujours malgré les efforts fournies) inscrite sur le provisoire. Les responsables publiques n’ont jamais compris la pertinence pédagogique et scientifique d’enseigner l’histoire de l’immigration pour les jeunes générations qui souffre d’un trou de mémoire ELARGIE par la « culture de la haine », l’ALTERITE et la PEUR de l’autre.

15- Comment voyez vous l’immigration marocain en France aujourd’hui ?

L’immigration marocaine en France  est la plus développée et la plus structurée dans le monde si l’on compare avec les autres communautés marocaines à l’étranger. Vous n’avez qu’à regarder le nombre (de directeurs) d’associations et de personnes impliquées dans les partis politiques, syndicats, etc., même si on ne donne pas toujours l’occasion aux jeunes pour s’exprimer mais cette question revoie à une autre histoire que je ne peux développer ici.

La France reste la première destination migratoire pour les Marocains implantés légalement (1.131.000), suivie par l’Espagne (545.000), l’Italie (380.000), la Belgique (285.000), les Pays-Bas (278.000), et l’Allemagne (130.000). Des communautés moins importantes vivent dans les pays scandinaves (17.000), au Royaume-Uni (50.000), aux Etats-Unis (100.000), et au Canada (70.000). Si on comptabilise les Marocains vivant aux pays arabes et les juifs marocains d’Israël, ainsi que les milliers « d’illégaux », nous sommes obligés de reconnaître environ quatre millions de Marocaine ou/et d’origine marocaine vivent à travers le monde. Soit plus de 10 % de la population locale marocaine, estimée à  34,3 millions d’habitants en 2008 (cf. Statistiques de la Fondation Hassan II pour les Marocains Résidant à l’étranger, 2009).

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